Auteur Sujet: poéme de théophile Gautier  (Lu 7235 fois)

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poéme de théophile Gautier
« le: 20 octobre 2007, 20:57:40 pm »
poéme dédié au retour des cendres.


Par l'ennui chassé de ma chambre,
J'errais le long du boulevard :
II faisait un temps de décembre,
Vent froid, fine pluie et brouillard ;

Et là je vis, spectacle étrange,
Échappés du sombre séjour,
Sous la bruine et dans la fange,
Passer des spectres en plein jour.

Pourtant c'est la nuit que les ombres,
Par un clair de lune allemand,
Dans les vieilles tours en décombres,
Reviennent ordinairement ;

C'est la nuit que les Elfes sortent
Avec leur robe humide au bord,
Et sous les nénuphars emportent
Leur valseur de fatigue morts ;

C'est la nuit qu'a lieu la revue
Dans la ballade de Zedlitz,
Où l'Empereur, ombre entrevue,
Compte les ombres d'Austerlitz.

Mais des spectres près du Gymnase,
A deux pas des Variétés,
Sans brume ou linceul qui les gaze,
Des spectres mouillés et crottés !

Avec ses dents jaunes de tartre,
Son crâne de mousse verdi,
A Paris, boulevard Montmartre,
Mob se montrant en plein midi !

La chose vaut qu'on la regarde
Trois fantômes de vieux grognards,
En uniformes de l'ex-garde,
Avec deux ombres de hussards !

On eût dit la lithographie
Où, dessinés par un rayon,
Les morts, que Raffet déifie,
Passent, criant : Napoléon !

Ce n'était pas les morts qu'éveille
Le son du nocturne tambour,
Mais bien quelques vieux de la vieille
Qui célébraient le grand retour.

Depuis la suprême bataille,
L'un a maigri, l'autre a grossi ;
L'habit jadis fait à leur taille,
Est trop grand ou trop rétréci.

Nobles lambeaux, défroque épique,
Saints haillons, qu'étoile une croix,
Dans leur ridicule héroïque
Plus beaux que des manteaux de rois !

Un plumet énervé palpite
Sur leur kolbach fauve et pelé ;
Près des trous de balle, la mite
A rongé leur dolman criblé ;

Leur culotte de peau trop large
Fait mille plis sur leur fémur ;
Leur sabre rouillé, lourde charge,
Creuse le sol et bat le mur ;

Ou bien un embonpoint grotesque,
Avec grand'peine boutonné,
Fait un poussah, dont on rit presque,
Du vieux héros tout chevronné.

Ne les raillez pas, camarade ;
Saluez plutôt chapeau bas
Ces Achilles d'une Iliade
Qu'Homère n'inventerait pas.

Respectez leur tête chenue !
Sur leur front par vingt cieux bronzé,
La cicatrice continue
Le sillon que l'âge a creusé.

Leur peau, bizarrement noircie,
Dit l'Égypte aux soleils brûlants ;
Et les neiges de la Russie
Poudrent encor leurs cheveux blancs.

Si leurs mains tremblent, c'est sans doute
Du froid de la Bérésina ;
Et s'ils boitent, c'est que la route
Est longue du Caire à Wilna ;

S'ils sont perclus, c'est qu'à la guerre
Les drapeaux étaient leurs seuls draps
Et si leur manche ne va guère,
C'est qu'un boulet a pris leur bras.

Ne nous moquons pas de ces hommes
Qu'en riant le gamin poursuit ;
Ils furent le jour dont nous sommes
Le soir et peut-être la nuit.

Quand on oublie, ils se souviennent !
Lancier rouge et grenadier bleu,
Au pied de la colonne, ils viennent
Comme à l'autel de leur seul dieu.

Là, fiers de leur longue souffrance,
Reconnaissants des maux subis,
Ils sentent le cœur de la France
Battre sous leurs pauvres habits.

Aussi les pleurs trempent le rire
En voyant ce saint carnaval,
Cette mascarade d'empire
Passer comme un matin de bal ;

Et l'aigle de la grande armée
Dans le ciel qu'emplit son essor,
Du fond d'une gloire enflammée,
Étend sur eux ses ailes d'or !

Hors ligne Jack Aubrey

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #1 le: 20 octobre 2007, 20:59:54 pm »
Bravo !!!
”Never mind the manoeuvres, just go straight at 'em.": Horatio Nelson

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #2 le: 20 octobre 2007, 22:46:21 pm »
Je ne connaissais pas :(
c'est magnifique et bouleversant

merci pour cette belle lecture  :p

En guerre comme en amour, pour en finir il faut se voir de près
Napoléon 1er

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #3 le: 20 octobre 2007, 22:56:37 pm »
Que les mots peuvent être beaux quand simplement ils sont écrits

Merci During
CORDIALELEMENT VOTRE

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #4 le: 21 octobre 2007, 20:23:03 pm »
Magnifique, snif :cry:, que c'est émouvant...

Merci During.
LM

Dans une grande affaire, on est toujours forcé de donner quelque chose au hasard… (Napoléon Bonaparte)


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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #5 le: 21 octobre 2007, 21:51:12 pm »
j'ai du mal a la dire mais ... merci During.

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #6 le: 21 octobre 2007, 22:32:35 pm »
A romantisme quand tu nous tiens......
« Modifié: 23 octobre 2007, 17:28:04 pm par Général lassalle »
"Tout hussard qui n'est pas mort à trente ans est un Jean-foutre." Général Lassalle

Hors ligne Aguirre, der Zorn Gottes

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #7 le: 24 octobre 2007, 13:08:42 pm »
0h on peut faire mieux, pour le ouffle épique il n'y pas meilleur que victor Hugo, avec lui ça explose, ça gicle, ça rutile, ç'est épique, viril, mythique, (enfin c'est tout ce qle guerre n'est pas  :D, mais bon).
'Vous en passe un petit extrait, avouez tout de même que le souffle est grandiose !!



Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons.
D'un côté c'est l'Europe, et de l'autre la France !
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l'espérance
Tu désertais, victoire, et le sort était las.
O, Waterloo ! je pleure, et je m'arrête, hélas !
Car ces derniers soldats de la dernière guerre
Furent grands; ils avaient vaincu toute la terre.
Chassés vingt rois, passé les Alpes et le Rhin,
Et leur âme chantait dans les clairons d'airain !
Le soir tombait; la lutte était ardente et noire.
Il avait l'offensive et presque la victoire;
Il tenait Wellington acculé sur un bois.
Sa lunette à la main, il observait parfois
Le centre du combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois l'horizon, sombre comme la mer.
Soudain, joyeux, il dit: Grouchy ! - C'était Blücher !
L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme.
La mêlée en hurlant grandit comme une flamme.
La batterie anglaise écrasa nos carrés.
La plaine où frissonnaient les drapeaux déchirés,
Ne fut plus, dans les cris des mourants qu'on égorge,
Q'un gouffre flamboyant rouge comme une forge;
Gouffre où les régiments, comme des pans de murs,
Tombaient, ou se couchaient comme des épis mûrs,
Les hauts tambours-majors aux panaches énormes,
Où l'on entrevoyait des blessures difformes!
Carnage affreux ! moment fatal ! L'homme inquiet
Sentit que la bataille entre ses mains pliait.
Derrière un mamelon, la garde était massée,
La garde, espoir suprême et suprême pensée !
-Allons, faites donner la garde, cria-t-il ! -
Et lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,
Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,
Saluèrent leur Dieu debout dans la tempête,
Leur bouche, d'un seul cri, dit : "Vive l'Empereur ! "
Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,
Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
La garde impériale entra dans la fournaise.
Hélas ! Napoléon, sur sa garde penchée,
Regardait et, sitôt qu'ils avaient débouché
Sous les sombres canons crachant des jets de soufre,
Voyait, l'un après l'autre, dans cet horrible gouffre,
Fondre ces régiments de granit et d'acier,
Comme fond une cire au souffle d'un brasier.
Ils allaient, l'arme au bras, fronts hauts, graves, stoïques
Pas un ne recula. Dormez, morts héroïques !
Le reste de l'armée hésitait sur leurs corps
Et regardait mourir la garde. - C'est alors
Qu'élevant tout à coup sa voix désespérée,
La Déroute géante à la face effarée,
Qui, pâle, épouvantant les plus fiers bataillons,
Changeant subitement les drapeaux en haillons,
A de certains moments, spectre fait de fumées,
Se lève grandissant au milieu des armées,
La Déroute apparut au soldat qui s'émeut,
Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut!
Sauve qui peut ! affront ! horreur ! toutes les bouches
Criaient à travers champs, fous, éperdus, farouches,
Comme si quelque souffle avait passé sur eux,
Parmi les lourds caissons et les fourgons poudreux,
Roulant dans les fossés, se cachant dans les seigles,
Jetant shakos, manteaux, fusils, jetant les aigles,
Sous les sabres prussiens, ces vétérans, ô deuil!
Tremblaient, hurlaient, pleuraient, couraient. - En un clin d'œil
Comme s'envole au vent une paille enflammée,
S'évanouit ce bruit qui fut la grande armée,
Et cette plaine, hélas! où l'on rêve aujourd'hui,
Vit fuir ceux devant qui l'univers avait fui!
Quarante ans sont passés, et ce coin de la terre,
Waterloo, ce plateau funèbre et solitaire,
Ce champ sinistre où Dieu mêla tant de néants,
Tremble encor d'avoir vu la fuite des géants!
Napoléon les vit s'écouler comme un fleuve ;
Hommes, chevaux, tambours, drapeaux; - et dans l'épreuve
Sentant confusément revenir son remords,
Levant les mains au ciel, il dit : - Mes soldats mort,
Moi vaincu! mon empire est brisé comme verre.
Est-ce le châtiment cette fois, Dieu sévère ?
Alors parmi les cris, les rumeurs, le canon,
Il entendit la voix qui lui répondait : non!

                                                     Victor HUGO
« Modifié: 24 octobre 2007, 13:13:11 pm par Aguirre, der Zorn Gottes »

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #8 le: 10 novembre 2007, 13:05:06 pm »
stéle Napoléon 1er.

« Modifié: 10 novembre 2007, 16:45:03 pm par during »

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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #9 le: 10 novembre 2007, 13:07:29 pm »
photos II


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Re : poéme de théophile Gautier
« Réponse #10 le: 10 novembre 2007, 13:10:05 pm »
place Napoléon 1er.