Bonsoir à tous
La destruction de la moitié de l'armée Prussienne aurait véritablement été un gros coup moral tant pour ceux ci que pour les Anglais qui comptaient sur eux.
Je suis moins d'accord avec vous au sujet du moral. S'il y a bien quelque chose dont les Prussiens ne manquaient pas c'est de moral.
Leur regroupement rapide et leur capacité à être operationnel dès la nuit du 17 au 18 juin nécessitaient, je crois, deux éléments importants : un bon service d'état major pour l'organisation et un niveau de moral élevé au niveau de la troupe pour continuer à obéir aux ordres après la défaite de Ligny. En outre, dès le 14 juin, Blücher avait fait envoyer l'ordre au corps de Kleist de marcher sur Arlon pour se rapprocher de l'armée du Bas-Rhin. Les Prussiens savaient donc que même en cas de défaite un renfort rapide pourrait leur arriver.
Même réduit à 60.000 hommes, ils pouvaient encore constituer une menace solide pour les Français.
Merci à frédéric d'aligner l'ensemble de ces témoignages sur un moment clés de la campagne : la ballade du I° corps français dans l'après midi du 16 juin. Les mémoires des uns et des autres sont contradictoires, il est question d'une note au crayon sur l'ordre de Soult. Quoiqu'il en soit d'Erlon a manqué de sens militaire car il savait qu'en revenant sur 4B il ne pourrait y jouer un rôle.
Existe t'il des sources montrant que d'Erlon
savait qu'en retournant vers Quatre-Bras il ne pourrait jouer un rôle?
Je pense plutôt qu'il ressort des témoignages que justement d'Erlon avait le sentiment de pouvoir secourir Ney en faisant demi tour.
N'oublions pas un élément capital dans la décision de faire faire demi tours aux Ier corps et qui semble faire unanimité chez les témoins : Ney se retrouvait confronté à des forces beaucoup plus importantes qu'attendues, qu'il était repoussé des Quatre-Bras et qu'il craignait d'être forcé.
En tenant compte de cette aspect, il suffit de prendre une carte pour comprendre qu'un défaite et une retraite de Ney vers Gosselies et Charleroi pouvait exposé le flanc et les arrières de l'aile droite française qui se battait à Ligny. Une défaite de Ney aux Quatre-Bras pouvait anéantir les effets d'une victoire à Ligny car les Français auraient pu se trouver pris à revers.
Bien sur nous savons aujourd'hui que Wellington avait tout juste assez de forces pour tenir et qu'il n'avait pas les moyens de pousser son avance plus loin que Frasnes. Mais Drouet d'Erlon et Ney ne semble pas l'avoir su, eux.
Dans ces conditions il pouvait sembler plus utile à d'Erlon d'éviter une défaite à Ney que de complèter une victoire pour Napoléon.
Abordons maintenant la note au crayon.
Tout d'abord, je crois que vous confondez avec l'ordre d'attaque de 11H00 du 18 juin 1815, qui fut rédigé par Soult et qui fut annoté de la main de Ney.
En ce qui concerne le 16 juin, c'est d'Erlon qui parle de cette note au crayon dans une lettre écrite au fils du maréchal Ney le 9 février 1829. Il y dit ceci :
"Vers Onze Heures ou Midi, M. le maréchal Ney m'envoya l'ordre de faire prendre les armes à mon corps d'armée, et de le diriger sur Frasnes et les Quatre-Bras, où je recevrais des ordres ultérieurs. Mon armée se mit donc en mouvement immédiatement après avoir donné l'ordre au général qui commandait la téte de la colonne, de faire diligence; je pris l'avance pour voir ce qui se passait aux Quatre-Bras , où le corps d'armée du général Reille me paraissait engagé.
Au delà de Frasnes, je m'arrêtai avec des généraux de la garde, où je fus joint par le général Labédoyère, qui me fit voir une note au crayon qu'il portait au maréchal Ney, et qui enjoignait à ce maréchal de diriger mon corps d'armée sur Ligny. Le général Labédoyère me prévint qu'il avait déjà donné l'ordre pour ce mouvement, en faisant changer de direction à ma colonne, et m'indiqua où je pourrais la rejoindre. Je pris aussitôt cette roule et envoyai au maréchal mon chef d'état-major, le général Delcambre, pour le prévenir de ma nouvelle destination. M. le maréchal Ney me le renvoya en me prescrivant impérativement de revenir sur les Quatre-Bras, où il s'était fortement engagé." Donc d'Erlon évoque une note au crayon (il sera le seul) et prétend que c'est le général Labédoyère qui lui apporta cet ordre.
Il est utile de préciser que Labédoyère est un aide de camp de Napoléon et qu'à ce titre il reçoit ses ordre de Napoléon seulement.
De son côté, le colonel Heymes (adc de Ney) nous dit que c'est le colonel Laurent (officier d'état major de Soult, cette fois) qui était porteur de l'ordre de l'Empereur et qui a transmis cet ordre à d'Erlon :
"C'est à cet instant que le colonel Laurent, envoyé du grand quartier impérial, vint informer le maréchal que le Ier corps, par un ordre de l'empereur, qu'il avait transmis au général d'Erlon, avait traversé la route de Bruxelles au lieu de la suivre, et se portait dans la direction de Saint- Amand. Le général d'Elcambre, chef d'était-major de ce corps arriva bientôt après pour annoncer le mouvement qui s'exécutait." A nouveau, nous voyons que le général Delcambre a bien été envoyé à Ney pour l'avertir du changement de direction du Ier corps.
Le général de Salle qui, je le rappelle, était commandant de l'artillerie du Ier corps évoque les faits de cette manière et nous cite même le contenu de l'ordre :
"Pendant que nous serrions lentement sur le 2ème corps, arriva par un sous-officier de la garde une lettre de l'Empereur ainsi conçue :
"Monsieur le comte d'Erlon, l'ennemi donne tête baissée dans le piège que je lui ai tendu. Portez vous sur-le-champs avec vos quatre divisions d'infanterie, votre division de cavalerie, toute votre artillerie, et les deux divisions de grosse cavalerie que je mets à votre disposition, portez vous, dis-je, avec toutes ces forces à la hauteur de Ligny et fondez sur Saint-Amand (ou vice-versa, c'est ce que je ne sais pas bien)*. Monsieur le comte d'Erlon, vous allez sauver la France et vous couvrir de gloire."
On sait que les généraux de l'artillerie et du génie ne quittent pas leur général en chef; je puis donc donner des renseignements précis sur cet événement qui eut pour nous les conséquences les plus funestes.
* N'ayant pas la carte de Belgique sous les yeux, il est possible que je transpose les noms des villages, je crois même que c'est "Saint-Amand pour fondre sur Ligny"; à cela près je suis certain de ne pas me tromper tant cette lettre me frappa par la justesse de la combinaison tactique (note du général de Salle)"Enfin, l'aide de camp de Soult nous raconte son implication dans cette affaire :
"Au moment où l'affaire était fortement engagée sur toute la ligne, Napoléon m'appela et me dit : " J'ai envoyé l'ordre au comte d'Erlon de se diriger avec tout son corps d'armée en arrière de la droite de l'armée prussienne; vous allez porter au maréchal Ney le duplicata de cet ordre, qui a dû lui être communiqué. Vous lui direz que, quelle que soit la situation où il se trouve, il faut absolument que cette disposition soit exécutée; que je n'attache pas une grande importance à ce qui se passera aujourd'hui de son côté; que l'affaire est toute où je suis, parce que je veux en finir avec l'armée prussienne. Quant à lui, il doit, s'il ne peut faire mieux, se borner à contenir l'armée anglaise."
Lorsque l'Empereur eut fini de me donner ses instructions, le major général me recommanda avec les termes les plus énergiques d'insister avec force près du duc d'Elchingen pour que, de sa part, rien ne vînt entraver l'exécution du mouvement prescrit au comte d'Erlon. La course était longue je la fis rapidement. A peine avais-je rejoint la grande route de Charleroi à Bruxelles, que je la vis couverte au loin par un corps nombreux de cuirassiers qui se retiraient dans le plus grand désordre ; c'était la brigade composée des 6ème et 11ème régiments de cette arme. Ces corps avaient été tellement maltraités par le feu d'un corps d'infanterie anglaise qui occupait le bois du Bossu, qu'après avoir fourni de très belles charges ils avaient fini par prendre la fuite, emportant plusieurs drapeaux enlevés par eux à l'armée anglo-belge. Je me hâtais de quitter cette direction, afin de ne pas être entraîné par cette masse, et bientôt, je trouvai le maréchal Ney placé sur le point le plus dangereux, au milieu d'un feux terrible. Je lui fis part des ordres de l'Empereur; mais il était dans un tel d'exaspération qu'il me parut d'abord fort peu disposé à les exécuter. Au fait, il avait de bonnes raisons pour être vivement irrité; car, dans son attaque sur les Quatre-Bras; s'il n'avait point hésité à engager les trois divisions du 2ème corps, commandé par le général Reille, c'est qu'il comptait sur la coopération du I corps, aux ordres du comte d'Erlon, qui avait dû, d'après les instructions du maréchal, se placer en seconde ligne à Frasnes. Mais lorsqu'il avait voulu le faire avancer, on n'avait plus trouvé personne, parce que le comte d'Erlon, ayant reçu directement l'ordre de l'Empereur, qui lui prescrivait de se porter sur les arrières de l'armée prussienne, s'est mis en marche sur-le-champ pour s'y conformer, ce dont le maréchal n'avait point été prévenu; au moins m'assura-t-il formellement n'avoir reçu d'autre avis officiel de cette disposition que celui dont je venais de lui faire part."Une fois encore, comment s'y retrouver face à toutes ces contradictions?
Il est à noter que dans ses relations, Napoléon ne parle pas d'un ordre quelconque qu'il aurait envoyé au sujet du Ier corps. Plus fort même, il prétend avoir ét surpris par l'arrivée du Ier corps.
Il semble pourtant peu douteux à la lumière des différents témoignages cités qu'il ait donner un ordres concernant le Ier corps. Ces témoignages sont d'ailleurs confirmés par deux lettres rédigées par Soult, l'une à Ney et l'autre à Davout le 17 juin 1815.
"Au Prince de la Moskowa,
(...) si le comte d'Erlon avait exécuté le mouvement sur Saint-Amand que l'Empereur a ordonné, l'armée prussienne était totalement détruite et nous aurions fait peut-être 30 mille prisonniers. (...)" "Au Ministre de la guerre
Fleurus, 17 juin
(...) Le 6ème et le 1er corps n'ont pas donné, le comte d'Erlon a eu de fausses directions; car s'il eût exécuté l'ordre de mouvement que l'Empereur avait prescrit l'armée prussienne était entièrement perdue."Enfin, le général Foy qui commandait une division du IIème corps de Reille nous raconte que le 17 juin en arrivant à Qautre Bras
"L'Empereur a fait des reproches au comte d'Erlon de ce que son corps ne s'est pas porté entier sur Marbais, dans la journée du 16. S.M. a dit qu'elle aurait pris la moitié de l'armée prussienne si le mouvement de ce corps avait eu leiu conformément aux ordres qu'Elle a donnés;"Voilà, en espérant avoir pu en éclairer certains à ce sujet
Cordialement
Frédéric