Je note une erreur dans votre exposé: Lannes a toujours tutoyé l'empereur.
Et une petite anedocte: La bataille en question est Austerlitz.
Murat et Soult étaient occupés à discuter du plan de bataille de Napoléon. Ils en étaient arrivés l'un et l'autre à la conclusion que si on l'appliquait, on courait au désastre. Lannes arrive à ce moment-là. Il trouve le plan de bataille très bien. Soult et Murat lui font part de leur appréhension et finissent par le convaincre que ce plan est trop risqué et qu'il faut convaincre Napoléon d'y renoncer. Arrive alors Napoléon et Lannes, spontanément, lui fait part en son nom des réserves que Soult et Murat viennent de lui exposer. Napoléon répond alors à Lannes sur un ton un peu blessant qu'il est surpris qu'un homme aussi courageux que Lannes formule des craintes vis à vis de ce plan. Puis il se tourne vers Soult et lui demande son avis sur ce plan. Et à cela, Soult répond à la grande surprise de Lannes que ce plan est parfait et qu'il n'a aucune objection à formuler le concernant, ce qui mit Lannes en rage au point de provoquer Soult en duel le matin même de la bataille.
Sinon, au sujet de Murat: voici l'avis de l'Empereur lui-même:
« Il n'y avait pas deux officiers dans le monde pareils à Murat pour la cavalerie, et à Drouot pour l'artillerie: Murat avait un caractère très-singulier. Il y a environ vingt-quatre ans qu'il était capitaine; je le pris pour mon aide-de-camp; je l'ai fait tout ce qu'il a été depuis. Il m'aimait ; je peux même dire qu'il m'adorait. Il était, en ma présence, comme frappé de respect et prêt à tomber à mes pieds. J'ai eu tort de l'éloigner de ma personne; car, sans moi, il n'était rien, et à mes côtés, il était mon bras droit. Si j'ordonnais à Murat d'attaquer et de culbuter 4 ou 5,000 hommes dans une direction donnée, c'était l'affaire d'un moment. Je ne puis concevoir comment un homme si brave pouvait être si faible en certaines circonstances ; il n'était brave que devant l'ennemi, et là, c'était peut-être l'homme le plus vaillant du monde, son courage impétueux le portait au milieu du danger; couvert de plumes qui s'élevaient sur sa tête comme un clocher et tout d'or, c'était un miracle qu'il échappât tant il était facile à reconnaître à son costume. Toujours en butte au feu de tous lés ennemis, les Cosaques eux-mêmes l'admiraient à cause de son étonnante bravoure. Chaque jour, il était engagé dans un combat particulier avec quelques-uns d'entre eux, et ne revenait jamais sans avoir teint son sabre de leur sang. En campagne, c'était un véritable paladin; mais si on le prenait dans le cabinet, c'était un poltron sans jugement ni décision. Murat et Ney étaient les deux hommes les plus braves que j'aie jamais connus. Le caractère de Murat était cependant plus noble, car il était généreux et franc. Chose étrange ! Murat, malgré l'amitié qu'il me portait, m'a fait plus de mal que qui que ce soit au monde. Quand je quittai l'île d'Elbe, je lui envoyai un courrier pour l'informer de mon départ; il prétendit qu'il devait attaquer les Autrichiens, le courrier se jeta à jes genoux pour l'en empêcher ; il me croyait maître de la France, de la Belgique et de la Hollande, et il devait, disait-il, faire sa paix avec moi et ne pas adopter de demi-mesures ; il chargea les Autrichiens comme un fou, avec sa canaille, et ruina mes affaires ; car, dans le même temps, je faisais avec l'Autriche une négociation d'après laquelle je stipulais qu'elle resterait neutre. Ce traité était sur le point d'être conclu, et alors j'aurais régné paisiblement. Mais aussitôt que Murat attaqua les Autrichiens, l'empereur François crut qu'il n'agissait que d'après mes instructions ; et, en effet, il sera difficile de faire croire le contraire à la postérité. Metternich dit : « Oh! l'Empereur est toujours le même; c'est un homme de fer. Le séjour qu'il a fait à l'île d'Elbe ne l'a pas changé, rien n'est capable de le guérir : tout ou rien, voilà sa devise ! » — L'Autriche se joignit à la coalition, et ma perte fut consommée. Murat ignorait que ma conduite fût réglée d'après les circonstances. Il était comme un homme qui regarde le changement de décorations à l'Opéra, sans jamais penser à la machine qui les met en mouvement : il n'a pas cru me faire un grand tort en se séparant de moi la première fois ; car il ne se serait pas joint aux alliés. Il calcula que je serais obligé de céder l'Italie et quelques autres pays; mais il n'a jamais envisagé ma ruine entière. »
Napoléon 1er.