LES TROUPES PRESENTES DANS L'ILE
Decaen, estimait dans la lettre du 15 ventôse an XII ( 7 mars 1804) « qu’il fallait entretenir régulièrement aux colonies orientales 3300 hommes, à savoir : 300 artilleurs européens, 2400 hommes d’infanterie européenne, et, en outre, 600 hommes, tant créoles que gens de couleurs libres, dont 150 seraient instruits à la fois pour l’infanterie et l’artillerie, 150 employés comme garde-côtes et les 300 autres comme troupes légères ».
De plus il écrit un an plus tard presque jour pour jour, le 5 ventôse an XIII ( 5 février 1805 ), que pour combler les pertes des divers corps depuis leur départ de France et compenser les garnisons fournies aux vaisseaux, il lui faudrait 300 ou 400 hommes de plus. Dans les rapports généraux de 1807 et 1808, Decaen réclame 1000 ou 1200 hommes de renfort, preuve que les effectifs ne sont pas accrus et encore moins maintenus.
A Paris ces réclamations répétées sont revues à la baisse, Décrès ministre de la marine estimant qu’il faudrait 800 à 1000 hommes de compléments et propose d’envoyer 300 conscrits en 1805. Seule l’inquiétude de la faiblesse des effectifs réels face à un danger de plus en plus présent permettra de passer outre la lourdeur administrative et à la volonté d’économie de bouts de chandelles. Après une première idée d’envoyer 400 hommes supplémentaires en 1807, Napoléon en personne décide enfin le 9 juin 1810, de doubler la garnison de l’île de France, forte de 1500 hommes . Ce renfort trop tardif n’aura même pas le temps de débarquer dans les Mascareignes, les Anglais s’en emparant avant.
Les troupes métropolitaines
Dans la classification des troupes par ordre de qualité se trouve en premier celle de métier. Ce sont des soldats professionnels, généralement volontaires, du moins dans les premières années de la Révolution et de l’Empire. Au moral élevé, ces soldats comptent parmi les meilleurs d’Europe.
I. LE 15ème REGIMENT D’INFANTERIE LEGERE :
Le 15ème régiment d’infanterie légère ou 15ème demi-brigade légère ( le terme de régiment jugé trop « aristocratique » ayant été aboli puis remis en vigueur sous l’Empire) est composé de vétérans de la Révolution. Ce régiment d’active, arrive tout droit de la métropole et est un symbole à lui seul de la France révolutionnaire. L’étude des lieux de l’origine géographique des soldats, indique 50 départements .
Arrivé avec Decaen, il stationne essentiellement à l’Isle de France, mais un détachement est envoyé à La Réunion. Ce détachement nous permet d’observer ce que devaient être les troupes installées sur l’île sœur. Le détachement arrive sur l'Isle Bonaparte le 16 pluviôse An XI ( 5 février 1803 ). Nous possédons sa composition à cette date mais aussi différents bilans qui nous renseignent sur les mouvements survenus dans ce détachement et de connaître les aléas de leur vie au cours des 8 premiers mois passés à La Réunion. Aisni en date du 16 pluviôse An XI. ( 5 février 1803) c'est le Capitaine de 2ème classe d’Or Henry Joseph qui commande une compagnie de chasseurs. On remarquera la présence de 4 enfants de troupes.
Durant l’année 1808, on peut raisonnablement estimer son effectif à :
16 sous-officiers (1 sergent-major, 4 sergents dont 2 à 2 chevrons et 2 à 1 chevron), ( 1 fourrier, 10 caporaux : 4 à 2 chevrons, 1 à 1 chevron) En sus 82 chasseurs, 2 tambours et 2 enfants de troupes.
Soit un total de 106 officiers, sous-officiers et soldats.
II. LE 12ème BATAILLON D’INFANTERIE DE LIGNE.
Le 12ème bataillon dit « de la République » est un des éléments militaires le plus « au cœur » de l’histoire tourmentée de l’île entre la Révolution et l’Empire, et bien que cela déborde notre cadre chronologique, il nous faut faire un rappel sur ce bataillon particulier :
Venu de métropole, il est formé de révolutionnaires. Le bataillon stationne principalement à l’Isle de France (act. Ile maurice ) et un détachement est présent à La Réunion pour renforcer la défense de l’île contre les Anglais et peut être même contre les Réunionnais eux-mêmes…
En effet, ce bataillon a purement et simplement été dissous et renvoyé en métropole pour cause de menace à l’ordre établi, c’est à dire à l’ordre esclavagiste, en faisant l’éloge du décret du 16 pluviôse qui abolissait l’esclavage.
Outre cela, « la sympathie pour les noirs et les convictions républicaines s’associent au mépris pour les « bourgeois » et pour les conservateurs au pouvoir. », à cela il faut ajouter la menace que représente collectivement les hommes du 12ème bataillon […] déclarant « qu’on les gênait et qu’il vouloit foutre sur la gueule aux bourgeois » ( sic ! ). La crise entre la troupe et les autorités de l’île Bonaparte s’amorce suite aux graves difficultés financières que rencontrent ces dernières pour solder la troupe. Faute de paye, les soldats commencent à se servir eux-mêmes dans la population semant le désordre. Le gouverneur fait preuve jusqu’au bout de calme, expliquant à l’assemblée coloniale « qu’on ne peut pas tout exiger des troupes quand on ne les paye pas » Mais le turbulent bataillon n’en reste pas là. Il fait preuve d’une dangereuse attitude, aux yeux des colons, en prenant des comportements beaucoup trop familiers avec les esclaves.
Ainsi au cours d’une nuit, les hommes du 12ème bataillon se rassemblent, avec des esclaves, faisant un grand tapage, chantent « La Marseillaise » et d’autres chants patriotiques « qu’on ne peut désapprouver que par l’heure à laquelle ils étaient chanté(sic) mais dont l’application dans les colonies en ont fait la ruine » estime le gouverneur. Lorsque l’on tente de les disperser, les soldats révolutionnaires répondent :
« F…, il nous faut la liberté à quelque prix que ce soit…nous forcerons les aristocrates à exécuter la loi…[…] nous avons fait la révolution en France et dans ce foutu pays on ne peut pas en venir à bout de le faire, mais nous la ferons » . Et tous d’inciter les esclaves présents à ne plus avoir peur de réclamer leur liberté. C’en est trop en décembre 1797, le 12ème bataillon, accompagné par un détachement d’artillerie des volontaires d’Angoulême est renvoyé vers la métropole, ne laissant que 8 malades. Certains d’entre eux au moment d’embarquer se répandent en menaces contre la colonie, déclarant que « si on n’accordait point la liberté aux noirs, ils viendraient avec 5 à 6000 hommes mettrent le feu aux quatre coins de l’île » .
Quoiqu’il en soit, le régiment « abolitionniste » a laissé des structures suffisantes sur l’île puisqu’il continu d’exister sous un nom différent. La preuve en est grâce aux en-têtes des documents qui portent la dénomination de « 12ème bataillon de la république » et ce jusqu’en 1806.
Ce bataillon d’infanterie de ligne est sous la direction du Commandant Micquet.
Il se compose de :
1 chef de brigade, 1 Quartier maitre, 1 Adjudant major, 1 Chirurgien en chef, 7 Capitaines, 6 Lieutenants, 7 Sous lieutenants, 1 Adjudant, 7 Sergents-Majors, 22 Sergents, 6 Brigadiers majors, 36 Caporaux, 178 Fusiliers/Grenadiers, 1 Tambours major, 2 Caporaux Tambours, 6 Tambours, 2 Maitres-ouvriers.
A cela s'ajoute :
1 sergent, 2 caporaux et 12 grenadiers à l'hopital et sont détachés hors de l’île : 1 lieutenant, 1 sergent, 3 caporaux, 21 fusiliers et grenadiers.
Soit en tout 326 hommes.
Ce régiment aux troupes sans doute aussi turbulentes que leurs compagnons de 1797 va disparaitre à son tour le 1er septembre 1806.
Le capitaine commandant Ricquet cède son poste au capitaine Tiers.
Le 12ème bataillon est simplement dissous dans le régiment de l’île de France.
Il faut croire que les colons ne pouvaient supporter la moindre atteinte à l’ordre établi pour leur intérêt comme nous le verrons plus tard...
III. LE 48ème REGIMENT D’INFANTERIE DE LIGNE.
Ce régiment avait un détachement à La Réunion et était commandé par Robin, lieutenant de 2ème classe. Il était arrivé sur l’île le 21 juillet 1809, par la frégate La Caroline .
Précisons que les caporaux ( 3 ) sont immédiatement entrés à l’hôpital (mal de mer aggravé ou scorbut ?).
Nous ne possédons aucun autre document relatif à ce régiment. Sans doute a t’il subi le même sort que le 12ème bataillon d’infanterie de la république, c'est à dire dissous au sein du régiment de l'Isle de france ?
Prochain chapitre : LE REGIMENT DE L’ILE-DE-FRANCE.