Et celle du 7 mai 1796 dont voici le compte-rendu du général Bonaparte au Directoire :
"Au directoire exécutif
20 floréal an IV (9 mai 1796)
Quartier général, Plaisance
Je vous ai annoncé, citoyens directeurs, dans ma dernière lettre, la retraite de l'armée autrichienne, qui a repassé le Pô à Valence. Elle s'était fortifiée le long de l'Agogna, du Terdoppio et du Tessin, afin de défendre l'entrée du Milanais.
Après différentes marches et différents mouvements militaires et diplomatiques pour lui faire penser que je voulais passer à Valence, je me transportai, par une marche forcée, à Castel San Giovanni avec 3 mille grenadiers et 1 500 chevaux. A onze heures du soir, le chef de bataillon d'artillerie Andréossy et l'adjudant-général Frontin parcoururent avec cent hommes de cavalerie la rive du Pô jusqu'à Plaisance, et arrêtèrent cinq bateaux chargés de riz, d'officiers, de 500 malades et de toute la pharmacie de l'armée.
A neuf heures du matin, nous sommes arrivés au Pô vis-à-vis Plaisance. Il y avait de l'autre côté deux escadrons de hussards qui faisaient mine de vouloir nous disputer le passage ; nous nous précipitâmes dans les bateaux et abordâmes de l'autre côté. Après quelques coups de fusil, la cavalerie ennemie se replia.
Le chef de brigade Lannes, aussi brave qu'intelligent, est le premier qui est mis pied à terre. Les divisions de l'armée, qui étaient toutes en échelons à différentes distances, ont précipité leur marche du moment que le mouvement a été démasqué et ont passé dans la journée.
Cependant Beaulieu, instruit de notre marche, se convainquit, mais trop tard, que ses fortifications du Tessin et ses redoutes de Pavie étaient inutiles, que les républicains français n'étaient pas si ineptes que François 1er, il ordonna à un corps de 6 000 hommes et de 2 000 chevaux de se porter à notre rencontre et de s'opposer à notre débarquement, ou de nous attaquer lorsque nous ne serions pas encore formés. Il s'est trompé dans son calcul, sur les midi, j'appris qu'une division ennemie était près de nous ; nous marchâmes. Les ennemis avaient vingt pièces de canon et étaient retranchés dans le village de Fombio. Le général de brigade Dallemagne avec les grenadiers attaqua sur la droite, l'adjudant général Lanusse, sur la chaussée, le chef de brigade Lannes, sur la gauche. Après une vive canonnade et une résistance assez soutenue, l'ennemi du songer à sa retraite ; nous l'avions poursuivi jusqu'à l'Adda. Il a perdu une partie de ses bagages, 300 chevaux et 500 morts ou prisonniers, parmi lesquels plusieurs officiers.
Pendant la nuit, un autre corps autrichien de 5 000 hommes, qui était à Casal, partit à quatre heures du soir pour venir au secours de celui de Fombio. Arrivé près de Codogno, quartier général du général Laharpe, où il arriva à deux heures après-midi, il envoya des tirailleurs qui culbutèrent nos vedettes.
Le général Laharpe monta à cheval pour s'assurer de ce que ce pouvait être ; il fit avancer une demi-brigade, l'ennemi fut culbuté et disparut ; mais, par un malheur irréparable pour l'armée, le général Laharpe, frappé d'une balle tomba mort sur le coup.
La République perd un homme qui lui était très attaché, l'armée un de ses meilleurs généraux, et tous les soldats un camarade aussi intrépide que sévère pour la discipline.
Le général Berthier se rendit sur-le-champ à Codogno. Il a poursuivi l'ennemi, lui a pris Casal et une grande quantité de bagages. La 70ème demi-brigade et le général Menard se sont parfaitement conduits.
Le succès du combat de Fombio est dû en grande partie au courage du chef de brigade Lannes.
Je recommande au Directoire exécutif le fils du général Laharpe pour avoir une place de lieutenant de cavalerie. Je demande la confirmation de l'adjudant général Frontin qui, non compris dans le travail de prairial, n'a pas cessé de servir avec courage.
Le passage du Pô est une des opérations les plus essentielles. Il y avaient des paris que nous ne le passerions pas de deux mois.
Bonaparte
"
Correspondance général, lettre n° 583.