Sous la neige qui tombe avec abondance, hommes et chevaux sont immobiles. Les chevaux sont noirs. Leurs cavaliers, qui portent le bonnet d'ourson avec jugulaire de cuivre, sont revêtus d'un long manteau blanc. Dans leurs mains, ce sabre si élégant qui n'appartient qu'à eux. Le jour d'Eylau, le régiment est placé sous les ordres de son colonel major, Lepic. les boulets russes qui se fraient sans difficulté un chemin au milieu des flocons, enlèvent hommes et bêtes. Malgré un courage, dont c'est un lieu commun de dire qu'il est légendaire, quelques cavaliers se courbent sur l'encolure de leur cheval. Soudain, une voix s'élève, dominant le fracas. C'est Lepic qui hurle: " Haut les têtes, la mitraille n'est pas de la merde ! " La charge suit de peu ces vigoureuses paroles. Les grenadiers à cheval bousculent l'infanterie russe, mais, perdus dans la tourmente de neige, se retrouvent cernés. Un officier russe se détache et, courtoisement, prie Lepic de se rendre. L'autre le regarde, piqué au vif: " Regardez-moi ces figures-là si elles veulent se rendre ", et sabre pointé, suivi de ce qui lui reste de cavaliers, Lepic se taille un sentier rouge jusqu'à l'Empereur. Celui-ci le salue du nouveau grade qu'il vient de lui conférer : " Je vous croyais pris, général, et j'en avais une peine très vive. "
- Sire, répond Lepic, vous n'apprendrez jamais que ma mort!
C'est vrai que ces hommes n'avait pas besoin de cuirasse, leur courage sans faille était la plus belle des armures.